Apple mérite t’il un procès anti trust ?

La blogosphère a beaucoup commenté, pendant l’été, le caractère fermé et propriétaire de l’iPhone d’Apple : en particulier, le refus de certaines applications, comme Google Voice, sur l’AppStore a fait couler beaucoup d’encre.

Il est vrai que Microsoft a été poursuivi pour l’intégration de Windows avec Internet Explorer ou Windows Media, tandis qu’on n’a jamais reproché à Apple le caractère propriétaire des Macs.
Si l’on compare les approches de ces adversaires de toujours, il apparait que :

  • Microsoft propose avec Windows un système d’exploitation fermé avec quelques applications liées, mais offre une grande ouverture côté matériel et logiciel. Des centaines d’appareils utilisent Windows et son parc applicatif est gigantesque. Microsoft joue donc la carte de l’ouverture avec un immense écosystème de partenaires. Cette ouverture se fait parfois au détriment de la performance si l’on considère les exemples de Vista et Windows Mobile 6.
  • Avec le Mac, Apple maitrise le matériel, le système d’exploitation MacOS, et un certain nombre d’applications packagées (Safari, Mail, iLife, etc.). Le parc applicatif développé par des tiers est moins vaste que celui de Windows.
  • Avec l’iPhone, les choses vont encore un peu plus loin car Apple maitrise matériel, système et une dizaine d’applications natives (Safari, Mail, équivalents iLife) ; de plus il est interdit de concurrencer les applications natives et Apple décide de la diffusion ou non d’une application. La raison invoquée pour le contrôle des applications est le souhait de garantir une expérience utilisateur toujours fluide en éliminant les applications peu stables ou peu performantes.

Dés lors, pourquoi faire des procès anti-trust à Microsoft et non à Apple?
Je propose plusieurs explications :

  • Il est clair que les attaques contre Microsoft viennent du caractère dominant de Windows. Apple reste un acteur de niche qui s’adresse aux esthètes (dont je fais partie). Cependant, les choses sont en train de changer avec l’iPhone qui vient de dépasser Nokia en terme de parts de marchés en France.
  • Apple ne revendique pas l’ouverture comme Microsoft avec son initiative InterOp. Son approche consiste à dire que la maitrise de bout en bout garantie à l’utilisateur une expérience cohérente, fluide, simple. Sur ce plan, la réussite est totale.
  • Il est très simple et sans risque de supprimer Safari ou iLife des Macs (en les glissant dans la poubelle). Apple pourrait aisément cesser de les préinstaller si un procès surgissait. Par contre Internet Explorer est complètement mélangé à Windows.

A ce stade, il me parait intéressant de comprendre pourquoi Internet Explorer est si intégré à Windows. En 1997, à l’apogée de la gloire de Netscape, la société de Marc Andreessen voulait créer un navigateur qui recouvrerait complètement Windows, à la manière des firepc que j’évoquais dans ce billet : Projection sur le FirePC. La réaction de Microsoft a été d’intégrer le Web dans le bureau Windows avec Active Desktop. C’est cette initiative qui est à mon sens à l’origine de l’intégration forte Internet Explorer/Windows. Active Desktop a été un échec pour des raisons ergonomiques, mais il a créé une adhérence que Microsoft ne peut plus casser et qui lui a valu de nombreux procès antitrust. Depuis, l’intégration du bureau avec le Web a été repensée avec plus de succès avec les Widgets (cf. ce billet).

En conclusion, je dirais qu’il existe finalement trois modèles de systèmes d’exploitation :

  • le modèle propriétaire revendiqué des Mac/iPhone, qui propose des outils assez innovants, mais qui exaspère les partisans de l’ouverture
  • le modèle complètement ouvert de Linux/Android et de l’écosystème Open Source, plutôt suiveur sur le plan de l’ergonomie
  • le modèle semi-ouvert de Windows/Windows Mobile qui a connu son heure de gloire mais est un peu chahuté depuis quelques temps.

Qu’en pensez vous?

Guillaume Plouin

DSI La Fresque du Climat (ONG) Responsable du domaine Systèmes d’Information et Technologies du Digital à CentraleSupélec EXED.

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